Photographie :
VIVENDA - (2008)
«Vivenda» est né d’une proposition de travail sur « gourmandise ».Gourmandise est plus qu’une simple nourriture, la notion de nécessité est dépassée, celle du plaisir gratuit apparaît, avec celle de ne pas manquer, de garder à portée de main, de conserver, de choisir immédiatement : le frigo, cet objet clé du quotidien, indispensable, offrant ses trésors de fraîcheur, devient le corps réceptacle d’une certaine boulimie. La viande (du latin vivenda: ce qui sert à vivre) qui peut être tout à la fois attraction et répulsion, est alors choisie comme nourriture de l’œuvre. Ce qui sert à vivre est bien sûr fait de protéines mais de bien d’autres choses qui ne sont pas nourriture au sens premier du terme. Dans des portraits photographiques précédents, le questionnement sur l’homme se positionne au niveau de l’enveloppe corporelle, de la peau, du regard, de ce que pourrait nous livrer cet individu en particulier. Dans « Vivenda » nous sommes tous concernés. Nous sommes fait de peau, de chair, de sang. Le corps, représenté par la masse du frigo, s’ouvre et se ferme à volonté, une introspection possible de l’envie ou du dégoût; nous nourrissons notre chair d’une autre chair. Le philosophe Gilles Deleuze disait: « la viande est la zone commune entre l’homme et l’animal, leur zone d’indiscernabilité ». L’accumulation et le réalisme des matières organiques, boulettes de viande, lamelles de jambon proches de la peau, et des gobelets de sang attirent et repoussent à la fois. Toute cette nourriture peut disparaître en un instant, renvoie à notre propre fragilité, à cet équilibre permanent où nous devons nous tenir, manger ou être mangé. Et pour surtout ne pas manquer, rester vigilant, accumuler les pense-bêtes, les protéines de la vie sur le corps du frigo.
triptyque 380 x 120 - photographies numériques sur plexi